Quand les centrales solaires chassent les astéroïdes la nuit au lieu de dormir
Les centrales solaires font du télétravail la nuit car au lieu de roupiller comme nous tous maintenant elles cherchent des astéroïdes. C’est ce qu’a mis en place un scientifique fou des Sandia Labs qui a ainsi transformé 218 miroirs héliostats en télescope géant pour traquer les cailloux spatiaux quand le soleil se couche.
John Sandusky, chercheur aux Sandia National Laboratories, en avait marre de voir les héliostats se tourner les pouces après le coucher du soleil. Ces miroirs géants de 37 mètres carrés qui concentrent la lumière solaire sur une tour de 61 mètres pour produire 6 mégawatts thermiques le jour, bah la nuit ils font rien. Zéro. Nada. C’est donc un gâchis monumental pour une installation qui a coûté des millions.
Alors il s’est dit : et si on leur trouvait un petit boulot ? Genre chasseur d’astéroïdes ? Pas con le mec.
Le principe est assez dingue, vous allez voir… Au National Solar Thermal Test Facility d’Albuquerque au Nouveau-Mexique, Sandusky a reprogrammé un des 218 héliostats pour qu’il suive les étoiles comme un télescope. Sauf qu’au lieu de capturer des images, il mesure les variations de lumière avec une précision au femtowatt près. C’est un millionième de milliardième de watt, autant dire trois fois rien.
“On collecte un million de watts de lumière solaire le jour”, explique Sandusky. “Et la nuit, on veut collecter un femtowatt de lumière réfléchie par les astéroïdes.” Le rapport c’est un pour un million de milliards. C’est comme passer d’un concert de Metallica à entendre une fourmi péter.
Pour cela, l’héliostat oscille d’avant en arrière toutes les minutes en suivant le ciel étoilé et si un astéroïde passe dans le champ de vision, il crée une perturbation dans le spectre de fréquences lumineuses. Bien sûr, pas de jolies photos avec des traînées comme dans les télescopes classiques, mais une signature dans les données qui trahit sa présence, sa vitesse et sa trajectoire.
Évidemment, le système ATLAS de la NASA (Asteroid Terrestrial-impact Last Alert System) fait déjà un boulot remarquable avec ses quatre télescopes qui scannent le ciel complet toutes les 24 heures et depuis sa création, ATLAS a découvert plus de 700 astéroïdes proches de la Terre et 66 comètes. Il a même détecté les deux seuls astéroïdes qui sont tombé sur Terre ces dernières années : 2019 MO et 2018 LA.
Mais les télescopes coûtent cher et il n’y en a pas assez alors que les centrales solaires, elles, sont déjà là. Aux États-Unis, en Espagne, au Maroc, en Chine, en France… Des milliers d’héliostats qui pourraient faire double usage.
Le plus fou c’est que cette technologie pourrait aussi servir pour surveiller l’espace cislunaire, c’est à dire la zone entre la Terre et la Lune car les orbites près de la Lune sont difficiles à suivre depuis le sol et des objets (vaisseaux, ovnis, satellites, rayons laser de la mort ^^…etc) pourraient s’y cacher discrètement. Avec un réseau d’héliostats comme celui-ci transformés en sentinelles nocturnes, plus moyen de jouer à cache-cache.
Mais pour l’instant, vous vous en doutez, c’est de la recherche fondamentale et maintenant, Sandusky cherche des financements pour passer à l’échelle supérieure.
“On veut passer d’un héliostat à plusieurs et démontrer qu’on peut aider à trouver des objets proches de la Terre. […] On veut aussi prouver qu’on peut détecter des astéroïdes encore plus petits.”
En février 2025, ATLAS a d’ailleurs fait une découverte historique : l’astéroïde 2024 YR4, gros comme un immeuble de 20 étages, qui pourrait percuter la Terre en décembre 2032. Cette collision reste possible même si les probabilités sont faibles mais ce genre de menace justifie qu’on utilise toutes les ressources disponibles pour surveiller le ciel.
L’idée de Sandusky, c’est donc du recyclage intelligent car plutôt que de construire de nouveaux télescopes de plus en plus gros, on utilise l’infrastructure existante de ces centrales solaires qui la nuit ne font rien. Elles deviendraient ainsi nos vigies de l’espace, gratuitement ou presque car un héliostat qui traque les astéroïdes la nuit et produit de l’électricité le jour, c’est deux fois plus rentable.
Et si ça marche bien, on pourrait voir fleurir des réseaux de surveillance spatiale low-cost où chaque centrale solaire deviendrait un maillon de la défense planétaire. Les astéroïdes tueurs n’auront qu’à bien se tenir !!