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Tor CGO - Quand chaque attaque se transforme en auto-sabotage

Par : Korben
25 novembre 2025 à 12:03

Bonne nouvelle, les amis, Tor vient d’implémenter CGO (Counter Galois Onion) !

Si ça ne vous dit rien, c’est normal, moi non plus je ne connaissais pas, mais je vais tout vous expliquer !

Jusqu’à maintenant, le réseau Tor protégeait votre anonymat avec du chiffrement en oignon. Plusieurs couches de crypto, une par relais et ça marche bien… sauf qu’il existe une technique vicieuse qu’on appelle les attaques par tagging.

Le tagging c’est quand un attaquant modifie votre trafic chiffré à différents endroits du réseau (genre en ajoutant un marqueur invisible dans certains noeuds), puis il observe ce qui sort de l’autre côté pour vous tracer. C’est comme quand vous collez un traceur GPS dans votre voiture, sauf que là c’est des bits dans du trafic chiffré.

Et de son côté, CGO fait encore mieux que de bloquer cette attaque. En effet, il transforme chaque attaque en auto-sabotage ! Si quelqu’un modifie ne serait-ce qu’un seul bit de votre trafic chiffré, tout le message devient illisible. Et pas seulement ce message… tous les messages futurs de la session deviennent du bruit blanc irrécupérable.

Avec ça en place, l’attaquant se tire une balle dans le pied à chaque tentative.

Derrière ce système, il y a 4 cryptographes qui ont bossé très dur : Jean Paul Degabriele, Alessandro Melloni, Jean-Pierre Münch et Martijn Stam. Ils ont publié leur recherche cette année et ça a été implémenté dans Arti, la version Rust de Tor et l’implémentation C arrive bientôt.

Ce qui change tout, c’est le calcul risque/bénéfice pour les attaquants car avant, tenter de tracer quelqu’un avait peu de conséquences si ça échouait. Mais maintenant, tenter de tracer quelqu’un détruit définitivement votre capacité à surveiller cette personne. Et vous vous en doutez, les agences de surveillance détestent perdre leur accès… Elles préfèrent observer en silence plutôt que de tout casser dans une tentative maladroite. Du coup CGO les force à choisir. Soit rester invisibles, soit tout perdre.

Et puis il y a un autre aspect génial à cette techno, c’est le forward secrecy renforcé que ça engendre car à chaque message, CGO transforme les clés de chiffrement de façon irréversible. Même si un attaquant récupère vos clés actuelles, il ne peut pas déchiffrer les messages précédents car les clés précédentes ont été broyées et remplacées à chaque étape.

CGO remplace aussi l’ancien système d’authentification qui utilisait un digest de 4 bytes par un authenticateur de 16 bytes. C’est donc bien plus costaud et plus difficile à falsifier ainsi qu’à contourner.

Comme d’hab, Tor publie l’algorithme en open source donc vous pouvez vous plonger dans le code si ça vous amuse.

Cette implémentation de CGO est encore expérimentale pour le moment, mais une fois que cela aura été éprouvé par la communauté et testé pendant plusieurs mois, voire des années, ce sera déployé officiellement dans les futurs relais, puis dans les services onion de Tor.

Voilà donc comment Tor fait de chaque tentative de surveillance un auto-sabotage irréversible, et ça les amis, c’est un message qui devrait faire réfléchir pas mal de gens dans des bureaux sans fenêtres.

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FBI vs Archive.is - Le site qui archive sa propre disparition

Par : Korben
9 novembre 2025 à 11:07

Le 30 octobre, l’opérateur anonyme qui se cache derrière le site Archive.is a posté un truc sur X. Pas un long message, hein, mais juste le scan d’une assignation en justice envoyée par le FBI daté du jour même, accompagné d’un seul mot : “canary”.

Si vous me lisez depuis longtemps, vous savez ce que ça veut dire. Un warrant canary , c’est une technique pour contourner les bâillons juridiques. Ainsi, quand une agence gouvernementale vous sert une assignation avec interdiction d’en parler, vous ne pouvez pas dire “hey les copains, j’ai reçu une assignation”. Par contre, vous pouvez publier régulièrement “je n’ai reçu aucune assignation”. Et le jour où vous arrêtez de publier cette phrase, tout le monde comprend que le canari est mort.

Sauf que là, le canari n’est pas mort. Il chante fort en publiant directement l’assignation elle-même.

Le document demande à Tucows, le registrar canadien qui gère les domaines Archive.is, Archive.ph et Archive.today, de balancer toutes les infos sur leur client : nom, adresse, numéros de téléphone, logs de paiement, tout. Le FBI a jusqu’au 29 novembre pour obtenir ces données et bien sûr, le document précise : “Vous êtes prié de ne pas divulguer l’existence de ce subpoena indéfiniment, car toute divulgation pourrait interférer avec une enquête en cours.

Raté, lol.

Depuis 2012, le domaine archive.is est enregistré sous le nom de “Denis Petrov”, à Prague. Denis Petrov, si vous voulez, c’est un peu l’équivalent russe de Jean Dupont donc autant dire que c’est probablement pas son vrai nom. Et durant ces 13 dernières années, personne n’a réussi à identifier la vraie personne qui se cache derrière ce service utilisé par des millions de personnes chaque mois.

En 2025, maintenir un service web aussi gros en terme de visites, tout en restant complètement anonyme, c’est un exploit. Il faut des serveurs et il faut payer ces serveurs. Il faut gérer les DNS, les noms de domaine, les sauvegardes donc à chaque étape, il y a normalement une trace. Un paiement, une facture, une identité à vérifier. Et pourtant…

Archive.is, pour ceux qui ne l’utilisent pas, c’est un service d’archivage web à la demande. En gros, vous lui balancez une URL, et il vous crache un snapshot de la page. Un genre d’instantané figé dans le temps. C’est donc un peu différent de la Wayback Machine de l’Internet Archive qui crawle méthodiquement le web pour garder une trace longue durée. Archive.is, c’est du court terme, du rapide, du “j’ai besoin d’archiver cette page maintenant avant qu’elle disparaisse”.

Et les gens utilisent ce service pour plein de raisons. Par exemple, archiver un thread Twitter avant qu’il soit supprimé, sauvegarder un article avant qu’il soit modifié ou encore documenter une preuve. Mais là où il excelle c’est dans le contournement des paywalls.

Et c’est ce dernier point qui énerve l’industrie médiatique. En juillet de cette année, la News/Media Alliance a même réussi à faire fermer 12ft.io, un autre service de contournement de paywall. Le fondateur, Thomas Millar, avait créé son service pendant la pandémie après avoir constaté que, je cite, “8 des 10 premiers liens sur Google étaient derrière un paywall”. 12ft.io était hébergé chez un provider classique, avec un nom et une adresse… Il s’est pris une menace légale, et le service a du fermer.

Mais Archive.is, lui, résiste. Comment ? Hé bien parce qu’il n’y a personne à assigner. Pas de boîte. Pas de CEO. Y’a juste un fantôme qui paie ses factures et maintient les serveurs.

A titre perso, je comprends pourquoi les paywalls existent… Les médias doivent se financer et le journalisme de qualité coûte cher. Mais quelque part, je trouve ça quand même hyper triste humainement et professionnellement, d’enquêter, de prendre le temps d’écrire un super truc afin d’informer les gens, pour au final être lu uniquement par trois pelés et un tondu…

Mais bon, c’est pas vraiment ça qui intéresse le FBI.

Ce qui les dérange, c’est pas le paywall. C’est l’anonymat. Cette idée qu’on puisse opérer une infrastructure critique sur web sans identité vérifiable, ça ne passe plus. Les gouvernements veulent savoir qui fait quoi et cela même si c’est légal, même si c’est utile. L’anonymat est devenu une anomalie.

Et c’est là que le “canary” prend tout son sens car en publiant cette assignation, l’opérateur d’Archive.is fait deux choses. D’abord, il prévient tout le monde qu’il est dans le viseur mais il transforme aussi un document juridique confidentiel en acte de résistance publique. Le FBI voulait enquêter en silence et maintenant, tout Internet sait.

Le FBI chasse un archiviste, c’est à dire quelqu’un dont le métier est de faire des snapshots de ce qu’on trouve sur le web avant que ça ne disparaisse. Et là, il vient d’archiver sa propre disparition potentielle. Son message Twitter est déjà dans les archives d’Archive.is lui-même…

Tucows, de son côté, a confirmé qu’ils “respectent les procédures légales valides”, ce qui veut dire qu’ils vont probablement fournir les infos. Sauf que si l’opérateur d’Archive.is a réussi à rester anonyme pendant 13 ans, je doute qu’il ait laissé son vrai nom et son adresse perso dans les champs du registrar. Il a probablement utilisé des services d’anonymisation de domaine, des boîtes postales, des paiements en crypto. Bref, le FBI va peut-être obtenir des données, mais ça mènera probablement à un autre fantôme… On verra bien.

Quoiqu’il en soit, dans 10 ans, tous les services web devront avoir un humain identifiable et assignable en justice derrière. C’est le sens de la vie… et cette époque où on pouvait lancer un service en ligne sans donner son identité, c’est terminé. Archive.is est donc peut-être le dernier dinosaure de cette ère révolue où Internet était encore un peu sauvage, un peu anonyme, un peu libre…

Le canari chante. Mais pour combien de temps encore ? Ça personne ne sait…

Source .

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