Carbanak - Le gang qui a volé 1 milliard de dollars aux banques
Aujourd’hui je vais vous parler du casse du siècle les amis ! Entre 2013 et 2018, un groupe de cybercriminels connu sous le nom de Carbanak a réussi à dérober plus de 1,2 milliard de dollars à une centaine de banques dans 40 pays. Du jamais vu dans l’histoire de la cybercriminalité financière !
Et ce groupe Carbanak, c’est pas juste une bande de script kiddies qui ont eu de la chance, non c’est une vrai une organisation criminelle ultra-sophistiquée qui a réinventé le concept même de braquage bancaire. Fini les cagoules et les armes, place aux malwares et au social engineering de haut vol. Ils fonctionnaient même comme une vraie entreprise avec une hiérarchie, des horaires de travail réguliers, et même des bonus pour les opérateurs les plus efficaces !
L’histoire commence donc en 2013 quand les premières banques ukrainiennes et russes remarquent des mouvements d’argent bizarres sur leurs comptes. Des millions de dollars disparaissent sans laisser de traces évidentes. À Kiev, en novembre 2013, c’est même un distributeur qui commence à cracher des billets à des heures complètement aléatoires, sans qu’aucune carte ne soit insérée ! Les passants récupèrent l’argent, pensant d’abord à un bug, jusqu’à ce que les banques comprennent qu’elles sont victimes d’une cyberattaque d’un genre nouveau. C’est là que Kaspersky Lab entre en scène et découvre ce qui deviendra l’une des plus grandes cyberattaques financières de tous les temps.
Le mode opératoire de Carbanak, c’est de l’art. D’abord, ils envoient des emails de spear phishing ultra-ciblés aux employés de banque. Ces emails exploitent des vulnérabilités connues comme CVE-2012-0158 (Microsoft Windows Common Controls), CVE-2013-3906 (Microsoft GDI+) et CVE-2014-1761 pour installer leur backdoor custom. Et une fois dans la place, le malware Carbanak fait son petit bonhomme de chemin dans le réseau bancaire.

La phase de reconnaissance est assez dingue puisque les hackers activent discrètement les webcams et prennent des captures d’écran pour observer les employés de banque pendant des mois. Ils apprennent littéralement comment fonctionne chaque banque de l’intérieur, mémorisant les procédures, les horaires, les protocoles de sécurité. En moyenne, cette phase d’apprentissage dure entre 2 et 4 mois complets ! Du coup, quand ils passent à l’action, ils imitent parfaitement le comportement des vrais employés. Flippant !
Et leurs techniques de vol sont variées et créatives. Parfois, ils programment des distributeurs automatiques pour cracher des billets à une heure précise où un complice attend tranquillement devant. D’autres fois, ils créent des comptes fantômes et y transfèrent des millions via le système SWIFT. Ou alors, ils modifient directement les bases de données pour gonfler artificiellement certains comptes avant de vider l’excédent, tout en laissant le solde original intact pour que le vrai propriétaire ne remarque rien. Chaque banque piratée rapporte entre 2,5 et 10 millions de dollars en moyenne.
Le cerveau présumé de l’opération, c’est Denis Katana (de son vrai nom Denis Tokarenko), un Ukrainien arrêté en mars 2018 à Alicante en Espagne. Et là, attention les yeux, les autorités trouvent sur son laptop 15 000 bitcoins, soit environ 162 millions de dollars à l’époque ! Le bonhomme avait monté tout un système avec des plateformes financières de Gibraltar et du Royaume-Uni pour convertir ses bitcoins en cartes prépayées qu’il utilisait ensuite pour acheter des voitures de luxe, des maisons, et vivre la grande vie en Espagne. Il avait même créé un “énorme réseau” de minage de bitcoins pour blanchir l’argent. Et le détail qui tue c’est que Denis travaillait depuis l’Espagne et trouvait tous ses complices en ligne, mais ils ne se sont jamais rencontrés en personne ! Tout se passait par internet, comme une startup criminelle en full remote.

Car Carbanak, c’est pas qu’un seul mec. Le groupe est étroitement lié à FIN7, aussi connu sous le nom de Navigator Group. En 2018, les autorités arrêtent plusieurs membres clés dans une opération internationale coordonnée : Fedir Hladyr, 33 ans, le sysadmin du groupe arrêté à Dresde en Allemagne, Dmytro Fedorov, 44 ans, le manager supervisant les hackers, arrêté à Bielsko-Biala en Pologne, et Andrii Kolpakov, 30 ans, arrêté à Lepe en Espagne. Chacun fait face à 26 chefs d’accusation incluant conspiration, fraude électronique, piratage informatique et vol d’identité aggravé. Hladyr, considéré comme le cerveau technique derrière Carbanak, a écopé de 10 ans de prison en 2021.
Ce qui impressionne les enquêteurs avec FIN7/Carbanak, c’est leur professionnalisme et leur créativité pour recruter. Ils ont d’abord créé une fausse société de cybersécurité appelée Combi Security, soi-disant basée en Israël et en Russie, pour recruter des développeurs sans qu’ils sachent qu’ils travaillaient pour des criminels. Les employés pensaient développer des outils de tests de pénétration légitimes alors qu’en réalité, ils créaient des malwares pour attaquer des entreprises. Le site web de Combi Security listait même parmi ses “clients” plusieurs de vraies victimes de FIN7 ! Après les arrestations de 2018, ils ont alors remis ça avec une nouvelle fausse boîte appelée Bastion Secure, avec un processus de recrutement en trois phases qui révélait progressivement la nature criminelle du travail. Les candidats passaient des entretiens RH classiques sur Telegram, signaient des contrats avec clause de confidentialité, puis se retrouvaient à faire du “pentest” sur des réseaux qui étaient en fait des vraies cibles à pirater.

L’organisation interne de Carbanak, c’est du grand art criminel. Ils avaient une hiérarchie claire avec des “gestionnaires de flux monétaires” qui analysaient les infos des ordinateurs infectés, des “chefs de mules” qui géraient les réseaux de blanchiment, et même des techniques de pression pour empêcher les membres de partir. Les opérateurs en position de leadership n’hésitaient pas à faire du chantage et à menacer de “blesser les membres de la famille en cas de démission”. Pour l’extraction d’argent, ils collaboraient d’abord avec la mafia russe jusqu’en 2015, puis avec la mafia moldave pour coordonner le travail des “mules” qui récupéraient le cash des distributeurs piratés.
Le malware Carbanak lui-même est une merveille d’ingénierie malveillante puisqu’il combine des capacités de keylogging, de capture d’écran, d’exécution de commandes à distance et de détection d’applications bancaires spécifiques. Il peut rester dormant pendant des mois, collectant silencieusement des informations avant de frapper. Au début, le groupe utilisait du code basé sur le malware Carberp, mais au fil du temps, ils ont développé leur propre solution complètement originale. En 2019, le code source complet de Carbanak est même apparu sur VirusTotal, donnant aux chercheurs en sécurité un aperçu détaillé de son fonctionnement interne et confirmant sa sophistication technique.
Malgré les arrestations de 2018, l’activité du groupe n’a pas cessé immédiatement. Entre mars et juin 2018, plusieurs nouvelles vagues de phishing liées à Carbanak sont observées, ciblant des banques et des entreprises de traitement de paiements dans différents pays. Six mois après l’arrestation de Denis Katana, le groupe était encore très actif selon les experts, prouvant bien la résilience et la structure décentralisée de cette organisation criminelle.
Surtout, l’impact de Carbanak dépasse largement les pertes financières car leurs attaques ont fondamentalement changé la façon dont les banques approchent la cybersécurité. Elle a démontré que les techniques APT (Advanced Persistent Threat), traditionnellement utilisées pour l’espionnage d’État, pouvaient être détournées pour le crime financier pur et simple. Carbanak a marqué le début d’une nouvelle ère où les cybercriminels ne s’attaquent plus aux clients des banques, mais directement aux banques elles-mêmes.
Du coup, les banques ont dû repenser complètement leur sécurité. Plus question de se contenter de pare-feux et d’antivirus. Il faut maintenant des systèmes de détection comportementale, de la surveillance vidéo des postes de travail critiques, des protocoles de validation multi-niveaux pour les transferts importants, et une formation continue des employés contre le phishing. L’attaque a aussi poussé le secteur à mieux sécuriser les liens entre les ATMs et les systèmes centraux.
Carbanak reste donc aujourd’hui l’exemple parfait de ce que peut accomplir un groupe de cybercriminels déterminés et techniquement compétents. Leur approche méthodique, leur patience de plusieurs mois par cible, leur capacité à s’adapter aux défenses de leurs victimes et leur structure d’organisation quasi-corporate en font un cas d’école.
Avec Carbanak, on sait maintenant qu’il est possible de voler un milliard de dollars sans jamais braquer physiquement une seule banque. Juste avec du code, de la patience et une compréhension profonde des systèmes bancaires. Denis Katana et ses complices ont réussi à accéder à “pratiquement toutes les banques de Russie” et à faire des retraits de distributeurs à Madrid pour un demi-million d’euros, tout ça depuis leur laptop. Ça fait réfléchir sur la vulnérabilité de notre système financier mondial face à des attaquants chevronnés.
Les attaquants peuvent être n’importe où, leurs victimes partout, et l’argent volé transite par des dizaines de pays avant de disparaître dans des cryptomonnaies. La coopération internationale devient alors cruciale, comme l’a montré l’opération coordonnée par Europol, le FBI, la police espagnole et les autorités de plusieurs pays qui a permis les arrestations de 2018.
Sans cette heureuse collaboration, Denis Katana serait probablement encore en train de siroter des cocktails sur la Costa del Sol avec ses bitcoins…
Sources : Kaspersky Lab - Carbanak APT Report, US Department of Justice - FIN7 Arrests, Europol - Carbanak Mastermind Arrest, CrowdStrike - Carbon Spider Analysis, Trend Micro - Carbanak Technical Analysis, Threatpost - Denis Katana Arrest, TechCrunch - Bastion Secure Fake Company, Decrypt - Denis Katana Bitcoin Laundering